L'extinction de l'espèce humaine n'est pas chose nouvelle en science-fiction, on pourrait même dire qu'elle fait partie des poncifs. Néanmoins, Robert Charles Wilson offre une nouvelle approche avec Spin, qui obtint le prestigieux prix Hugo, immédiatement suivi par le Grand Prix de l'Imaginaire. Mais à l'inverse d'autres ouvrages, je n'ai pas abordé Spin en escomptant un chef d'oeuvre, je l'ai pris comme il venait, et je ressors déçu de ma lecture malgré toute l'originalité qu'il convient de reconnaître ici.
Tyler Dupree n'a que douze ans lorsque les étoiles disparaissent dans le ciel. La nuit s'est éteinte. La raison de ce phénomène? Le spin, une mystérieuse barrière englobant la Terre, qui absorbe toutes les variantes du spectre électromagnétiques. En d'autres termes, le planète est isolée, et le soleil lui-même n'est qu'une imitation. Mais la seconde propriété du Spin est bien plus inquiétante : à l'intérieur de la membrane le temps ralentit inexorablement, alors qu'au dehors les millénaires défilent à toute allure. A brève échéance, la Terre est condamnée, car le Soleil, lui aussi, est mortel, et s'effondrera sur lui même lors de son agonie, dans une cinquantaine d'années terrestres au plus tard.
Mais certains hommes n'ont pas abdiqué. La fondation Périhélie, créée sous l'impulsion d'E.D. Lawton, a pour mission d'en découvrir le plus possible sur le Spin, et de trouver une solution. Un de ces scientifiques est le fils de Lawton, Jason, le meilleur ami de Tyler Dupree. Ce dernier sera d'ailleurs un témoin privilégié des bouleversements liés au Spin, en suivant les avancées de Jason, mais aussi des déboires de la soeur cadette des Lawton, Diane.
Tout au long des 600 pages qui composent son récit, Robert Charles Wilson nous entraine à la découverte d'un monde qui, lentement, a basculé dans la morosité. L'échéance de la vie, bien que relativement abstraite, a insensiblement gagné toute une partie de la population. De fait, ce n'est pas un monde en plein chaos qui nous est présenté, mais plutôt sa lente dégénérescence, qui se manifeste notamment en zone rurale, les villes continuant comme si de rien n'était. Ce sont donc quelques symptômes qui mettent la puce à l'oreille de Tyler.
Un de ces signes, impossible à louper, se manifeste notamment par une recrudescence du mysticisme. Le monde subit une véritable crise de foi, et la religion, déclinée à toutes les sauces, attire de plus en plus d'adeptes. Pour ces communautés, le Spin est un événement divin, et les écritures sont interprétées diversement, provoquant autant de schismes que de querelles. Wilson propose ainsi une vision assez péjorative de la croyance. Tout en pointant du doigt l'homme en lui-même, il n'épargne pas les contraintes que provoquent l'attachement irrationnel dans la foi. C'est en la personne de Diane que se manifeste ce sentiment, qui sous des couverts de bonheur est prisonnière des chaînes qu'elle s'est elle-même passées.
On notera ainsi une dualité entre le frère et la soeur, entre Diane et Jason. Alors que Diane est perdue dans ce monde aux frontières bouleversées, Jason se consacre lui à établir ses frontières de manière rationnelle, scientifique. A sa manière, il est obsédé par le Spin, et voue sa vie à comprendre ce phénomène. Wilson transpose le conflit science-religion sur le plan familial.
A ce propos, la famille tient un rôle prépondérant, au point de prendre le pas sur le Spin pour se pencher sur les états d'âme des protagonistes. Par extension, on peut dire que l'auteur s'attarde sur ses personnages. En effet, il n'est pas rare de se trouver confronté à de longues parties pendant lesquelles l'accent est mis sur les relations entre les protagonistes. Comme dit vulgairement, ça passe ou ça casse. Et dans mon cas, ça a bloqué. Bien entendu, il est toujours agréable de se retrouver face à des caractères travaillés, mais ici, à l'exception de rares moments, ce qui aurait dû passer pour une aventure humaine passionnante s'est révélée être une suite de passages insipides, pas forcément inintéressants, mais diablement longs à quelques instants. Chacun se fera son idée, et la mienne ne semble pas être la plus répandue, mais j'ai trouvé les personnages assez fades dans l'ensemble. Oui tout ça semble crédible, mais à vrai dire peu de personnages, dont le narrateur, m'auront vraiment été sympathique à un moment donné. Ainsi, certaines tranches de vie me sont apparues dispensables et ont pesé sur la lecture.
Néanmoins, si ces épanchements sont assez fréquents, Wilson n'oublie pas de tisser admirablement bien son histoire. Le monde subit une ribambelle de bouleversements, plus ou moins graves, que l'auteur n'hésite pas à expliciter en détail. On sent derrière tout ça une documentation bien fournie, notamment dans les domaines de la physique et de la médecine, quoique ce dernier m'ait un peu moins enthousiasmé. Même si les connaissances requises pour aborder assez sereinement l'ouvrage ne sont pas très élevées, il vaut mieux avoir suivi une formation scientifique au lycée, et bien évidemment ne pas être en froid avec les domaines évoqués. De plus, même si on a le temps de s'ennuyer, l'histoire regorge de rebondissements, et l'on sent alors toute l'intelligence de l'auteur, qui transforme à merveille certaines contraintes en avantages. J'en retiendrai une seule incohérence, vraiment pas représentative de l'ensemble : à moins que le Spin ne simule également les effets lunaires – ce qui n'est jamais indiqué -, on ne peut se servir des phénomènes de marée pour savoir si la Lune est toujours présente au début du Spin, quand les hommes sont "aveugles".
Dernier reproche, il concerne le style de l'auteur. La première personne n'est pas dérangeante, bien des ouvrages exploitent avec succès ce point de vue, mais l'utilisation du passé composé au lieu du traditionnel passé simple fut assez déstabilisant au départ. Peut-être même le fut-il aussi par la suite, puisque le style, sans être pénible, ne me retenait pas, en dépit de quelques passages fugaces qui m'ont semblé de toute beauté.
Somme toute, c'est un bilan mitigé qui se dégage de Spin. Indéniablement, l'ouvrage fourmille de trouvailles intéressantes, et la partie hard-SF m'aura intéressé là où j'aurais cru m'ennuyer à certains endroits. Sur un plan personnel, cela augure de bonnes découvertes de ce côté-ci de la SF. Néanmoins, les deux défauts récurrents que sont cette propension à la longueur et le style peu apprécié de Wilson m'auront gâché la lecture. Une version courte de l'ouvrage m'aurait certainement mieux convenu.
d'autres critiques, plus favorables celles-là :
Tiens c'est vrai que j'en avais entendu plutôt du bien jusqu'ici. Je finirai bien par mettre le nez dedans àma, mais sans forcément trop en attendre donc.
RépondreSupprimerJ'ai souvent et longuement hésité à l'acheter, notamment pour les distinctions prestigieuses qu'il a pu recevoir. Mais je n'ai jamais franchi le pas, allez savoir pourquoi. Ton avis est très intéressant et me dissuade un peu de tenter le coup, même si toi et moi parfois on est en désaccord au niveau style ! ^^ Sinon pour le passé composé, ça me paraît étrange aussi, mais c'est un choix du traducteur non ?
RépondreSupprimerHonnêtement je vousconseille d'y jeter un oeil, la partie Hard-Sf est hyper intéressante et l'histoire est originale.
RépondreSupprimerQuant aux persos, j'ai pu m'apercevoir que je suis loin d'être le roi de l'empathie dans les bouquins ;)