dimanche 21 août 2011

Le Monde inverti - Christopher Priest

Jusqu’ici je n’avais pas encore lu Christopher Priest ni son Monde inverti ; un tort certain désormais réparé au vu du talent de Priest à incorporer des concepts mathématiques à ses histoires, du moins ici.


La crèche ne sera bientôt plus qu’un simple souvenir pour Helward, il a atteint l’âge de mille kilomètres. Pour devenir membre à part entière de la guilde du Futur, il doit avant tout faire son apprentissage dans les autres guildes de la ville. Cependant Helward apparaît comme un privilégié aux yeux de Victoria, sa fiancée, consciente des droits qui lui sont refusés. En effet, seuls les membres des guildes peuvent explorer l’extérieur de la ville, cité en perpétuelle mouvance. Pour en comprendre la raison d’être, Helward ne pourra compter que sur lui-même, percer par lui-même la nature de son monde.
 
Le roman pourrait se présenter de prime abord comme un roman initiatique, où l’on suivrait l’évolution d’Helward depuis sa sortie de la crèche jusqu’à son accession au titre de membre de la guilde du futur. C’est un peu l’impression qui prédomine lors des cent premières pages, qui exposent tout ce monde étrange de la cité. Nous sommes alors comme Helward, essayant de comprendre ce monde qu’on le laisse découvrir plus qu’on ne le lui explique. Son affectation à la pose des rails de la ville suscitera bien des questions chez lui comme chez le lecteur, on s’interroge sur la raison impérieuse qui pousse la cité à se mouvoir sans cesse et sur cette énigme qu’est l’optimum. Il n’est pas le seul à s’interroger, les habitants de la cité, en dépit du secret qui règne sur l’extérieur, constatent ce déplacement perpétuel. Victoria, la femme d’Helward, incarne ainsi cette population intriguée et frustrée de se voir maintenue dans l’ignorance. Le parallèle avec le secret d’état et sa nécessité transparait également, sans que soit vraiment creusé le sujet. Sa levée s’effectue par la force des événements, Priest évite ainsi de trop disserter sur son bienfondé, malgré la défense qu’en prend Helward. Il se dégage ainsi du récit une légère dimension sociologique, et les bouleversements des rapports de force sont également traités avec parcimonie.
 
L’univers se dévoile évidemment au fur et à mesure, mais on ne peut qu’être fasciné par les explications de Priest au sujet de ce monde inverti qui nous est présenté, au postulat incongru mais pensé dans ses moindres détails. J’étais loin d’imaginer avec autant de facilité que l’auteur ce qu’il nous réservait, et j’optais beaucoup plus pour une explication imagée de l’effet Doppler ou encore du Big Bang, ce qui s’avéra totalement erroné. Non, vous serez surpris quoiqu’il advienne, tout simplement parce que Le Monde inverti n’est pas l’illustration d’une quelconque théorie, mais bien une création originale. On se doute cependant qu’il se cache derrière tout ceci la perception de la réalité, quelques maigres indices le laissent supposer. La fin semble cependant faire débat, quelques uns trouvant qu’elle repousse d’un revers de manche les questions posées, Priest n’assumant pas entièrement la trame développée et souhaitant s’en débarrasser d’un revers de manche ; je trouve au contraire que la reconnexion s’effectue logiquement, en raison des indices évoqués. On discerne même une morale, certes légère, mais qui s’inscrit naturellement et dans un cadre plus général que celui du roman.
 
Si le concept de base et son développement sont assez bien trouvés, je reproche cependant à Priest de trainer parfois en longueur, ou de ne pas explorer un peu plus ses personnages et les relations de pouvoir ; j’aurais aimé en découvrir encore plus sur la ville et ses mœurs. Mais bon, je suis un éternel insatisfait, et le concept est tout simplement génial en dépit d’une ou deux notions de physique qui m’auront contraint à m’accrocher un peu au moment des explications jouissives (oui, je commence à rouiller dans le domaine).
 
 
A voir aussi chez Alice, Guillaume, Efelle.

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