mardi 27 décembre 2011

Putain de nuit


Je suis malade. Pas mental, non, Dieu me garde, quoique j'y croie davantage de jour en jour, mais physiquement. Quelle importance ? Aucune, sauf que je n'écrirais pas tout ce charabia pour combler ces mornes heures de mon existence, au lieu de régner avachi sur mon lit à glander. Alors parlons un peu du mal atroce qui me ronge. A mon grand désarroi, moi qui me case dans la clique des contempteurs de la norme, je souffre d'une maladie tout ce qu'il y a de plus banal. Mais comme je suis un chic type je vais vous éviter la vulgarité de son nom, disons seulement qu'il est arrivé l'heure où chaque être humain doit se départir d'une possession interne, qui défie la gravité en un flot escaladant l’œsophage avant de venir briser les barrières de ces lèvres aux mille incarnats, pour se précipiter bruyamment dans la fosse à humeur.

Voilà pour le premier symptôme.

Le second est assez similaire, sauf que cette fois la gravité n'est pas bafouée. C'est de loin celui qui m'emmerde le moins. Enfin quand je ne suis pas miné. J'ai rarement pris de grosses cuites dans ma vie, et c'est pas ça qui m'empêche de faire le distinguo entre un phénomène vomitif lié à l'alcool et celui lié à l'ingestion de malbouffe, relâcher tout cet éthanol pourrissant ne provoque généralement pas ce haut-le-cœur désagréable qui agresse la muqueuse de la gorge ; non je préfère gerber à cause de l'alcool. Et puis les effets antérieurs sont bien plus sympathiques.

La nuit dernière a été un calvaire. Je m'étais couché tôt, le flux nauséeux avait commencé à saper mes défenses internes, alors que pour une fois passait à la télé une émission digne d'intérêt pour le pauvre béotien souhaitant se hisser modestement sur le podium de la culture. Une émission historique qui revenait sur l'histoire de France, présentée par l'excentrique Stéphane Bern. Je ne sais pas comment fait ce type pour arborer à tous les coups son sourire de tête à claques, je commence à croire que dès la naissance on le lui a collé sur sa gueule comme malédiction en souvenir d'une vie passée. Ce qui ne semble pas l'avoir desservi dans sa carrière. C'est donc cette émission qui présente l'audace incongrue d'exposer aux citoyens de France des péripéties un peu plus élevées que celles des téléfilms de fosse à humeur que j'ai due zapper pour satisfaire à l'ordre impérieux de ma physiologie agonisante. Sauf qu'être à l'écoute de son corps n'est pas toujours compatible avec un égo développé, je sentais bien qu'au fond de mon estomac un alien germait et qu'il tenterait de débouler par l'issue de secours. Mais j'ai fermé les écoutilles et fait comme si de rien n'était, je suis allé me pieuter tranquillement avec la foi que le monstre serait vaincu par l'acide de la nuit.

Des conneries ouais. Je n'ai fermé l'oeil que pour m'embarquer dans l'imagination décadente de ma conscience. Décadente pas dans le sens où les mauvais rêves s'apparentaient à une orgie maléfique, pire que ça ! à chaque fois que mes paupières baissaient leur store sur les ténèbres de ma piaule, je me retrouvais dans un remake horrifique d'Alice où le monde sombrait dans une absurdité dépourvue de causalité. Je ne me rappelle pas précisément toutes les merdes que j'ai vécues, le tout se fond dans un micmac embrouillé de situations à la con où je ne bitais rien à ce qui se passait. Des mecs flous se tenaient face à moi, moitié boy-scout moitié Terminator, et pendant que j'essayais de démêler tout ce fatras incompréhensible, les silhouettes multicolores m'assenaient de sermons paternalistes et condescendants. Je vous avoue j'avais les foies, imaginez-vous dans un univers fluctuant où tout ce qui arrive arrive sans raison, où chaque tentative de retourner à la source d'une action vous conduit dans un néant sans fond ! J'avais le vertige des sens.

Sans compter que le salopard qui me lacérait l'intérieur du bide me maintenait dans cette anxiété vertigineuse. S'il y avait eu des témoins de la scène - dans le monde réel, hein -, il aurait pu me voir me désarticuler tel un pantin balloté par le vent, les mains tordues et des incantations dans les jambes, un rictus malheureux sur la tronche. J'en menais pas large et ça me foutait les boules. J'étais partagé entre ma rogne croissante contre ma persévérance idiote et la douleur incessante de mon abdomen qui me pourrissait la nuit. Heureusement le lendemain c'était boulot, c'était toujours ça de gagné même si je savais que je passerais toute ma journée affalé dans le sofa en essayant misérablement de me blottir dans les bras de cette pute de Morphée. Mais bon, chaque homme a ses limites, et l'heure de l'inéluctable expulsion m'apparaissait de plus en plus proche. Je me disais intérieurement que ce serait le meilleur choix, que le tourment prendrait fin, et comme pour me donner raison, mon esprit au garde à vous des désirs de mon corps n'arrêtait pas de mettre en peinture la procédure à suivre. J'ai donc cédé et engagé la bataille. Je me suis précipité dans les chiottes, relevé le gardien du temple, et largué le monstre direction l'exorcisme immédiat. J'ai compté trois ou quatre rounds avant de me déclarer vainqueur, complètement lessivé mais vidé du démon. Puis j'ai rejoint le confort de mes couvertures, heureux de quitter le marbre glacé et surtout satisfait du déroulement probable de la nuit.

Erreur, mes braves ! Deux heures plus tard les mêmes mouises venaient toquer à ma porte, et j'eus le même mal à me débarrasser d'elles. Comme toujours, quand on croit s'être délivré d'un fléau un second surgit aussitôt. Par quelque hasard physiologique merdique, j'en étais réduit à passer toutes les heures ténébreuses dans l'attente d'un sommeil qui avait déserté et qui continuerait à se foutre de moi du haut des bras d'une catin.

7 commentaires:

  1. Je suis déçue ... Du haut de ton Olympe, je te pensais au-dessus de ces contingences bassement matérielles.

    Je te souhaite quand même un bon rétablissement. J'ai souffert de cette odieuse maladie dont en effet il vaut mieux ne pas la nommer (c'est un peu comme Voldemort, hein), y a 2 ans et je m'en souviens encore ... et pas en bien.

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  2. Eh non, toute divinité étant à l'image de l'homme il est normal qu'elle ait les mêmes tracas. Soyez donc heureux de n'avoir pas eu de fléau à cause de ça !

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  3. A un ou deux symptômes près, je dirais que t'es enceinte...

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  4. @Pef : De jumeaux, alors.

    @ GiZeus : Moche sujet joliment écrit. Bravo.

    PS : j'ai enfin réparé mon oubli : tu fais partie de ma liste de mecs et filles intéressants. Il était temps.

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    1. Merci Blop.
      Pour ta décharge, on peut dire que le planet regorge de personnes intéressantes ;)

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  5. Décidément, tu as du style. Il faut le dire. Même si ta névrose coprophile, dont ta plume nous avoue impudiquement toutes les modalités, ternit quelque peu l'ensemble. Nous voulons de la hauteur !

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    1. L'intérêt était d'ordre expérimental (en plus de faire autre chose que rester avachi à ne rien faire). Je voulais essayer de mixer lyrisme et grossier, et à cet instant j'en avais la force. Le résultat final s'éloigne de ce que j'espérais, mais bon je suis content d'avoir essayé.

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