Je suis malade. Pas mental, non, Dieu
me garde, quoique j'y croie davantage de jour en jour, mais
physiquement. Quelle importance ? Aucune, sauf que je n'écrirais
pas tout ce charabia pour combler ces mornes heures de mon existence,
au lieu de régner avachi sur mon lit à glander. Alors parlons un
peu du mal atroce qui me ronge. A mon grand désarroi, moi qui me
case dans la clique des contempteurs de la norme, je souffre d'une
maladie tout ce qu'il y a de plus banal. Mais comme je suis un chic
type je vais vous éviter la vulgarité de son nom, disons seulement
qu'il est arrivé l'heure où chaque être humain doit se départir
d'une possession interne, qui défie la gravité en un flot
escaladant l’œsophage avant de venir briser les barrières de ces
lèvres aux mille incarnats, pour se précipiter bruyamment dans la
fosse à humeur.
Voilà pour le premier symptôme.
Le second est assez similaire, sauf que cette fois la gravité
n'est pas bafouée. C'est de loin celui qui m'emmerde le moins. Enfin
quand je ne suis pas miné. J'ai rarement pris de grosses cuites dans
ma vie, et c'est pas ça qui m'empêche de faire le distinguo entre
un phénomène vomitif lié à l'alcool et celui lié à l'ingestion
de malbouffe, relâcher tout cet éthanol pourrissant ne provoque
généralement pas ce haut-le-cœur désagréable qui agresse la
muqueuse de la gorge ; non je préfère gerber à cause de
l'alcool. Et puis les effets antérieurs sont bien plus sympathiques.
La nuit dernière a été un calvaire. Je m'étais couché tôt,
le flux nauséeux avait commencé à saper mes défenses internes,
alors que pour une fois passait à la télé une émission digne
d'intérêt pour le pauvre béotien souhaitant se hisser modestement
sur le podium de la culture. Une émission historique qui revenait
sur l'histoire de France, présentée par l'excentrique Stéphane
Bern. Je ne sais pas comment fait ce type pour arborer à tous les
coups son sourire de tête à claques, je commence à croire que dès
la naissance on le lui a collé sur sa gueule comme malédiction en
souvenir d'une vie passée. Ce qui ne semble pas l'avoir desservi
dans sa carrière. C'est donc cette émission qui présente l'audace
incongrue d'exposer aux citoyens de France des péripéties un peu
plus élevées que celles des téléfilms de fosse à humeur que j'ai
due zapper pour satisfaire à l'ordre impérieux de ma physiologie
agonisante. Sauf qu'être à l'écoute de son corps n'est pas
toujours compatible avec un égo développé, je sentais bien qu'au
fond de mon estomac un alien germait et qu'il tenterait de débouler
par l'issue de secours. Mais j'ai fermé les écoutilles et fait
comme si de rien n'était, je suis allé me pieuter tranquillement
avec la foi que le monstre serait vaincu par l'acide de la nuit.
Des conneries ouais. Je n'ai fermé l'oeil que pour m'embarquer
dans l'imagination décadente de ma conscience. Décadente pas dans
le sens où les mauvais rêves s'apparentaient à une orgie
maléfique, pire que ça ! à chaque fois que mes paupières
baissaient leur store sur les ténèbres de ma piaule, je me
retrouvais dans un remake horrifique d'Alice où le monde sombrait
dans une absurdité dépourvue de causalité. Je ne me rappelle pas
précisément toutes les merdes que j'ai vécues, le tout se fond
dans un micmac embrouillé de situations à la con où je ne bitais
rien à ce qui se passait. Des mecs flous se tenaient face à moi,
moitié boy-scout moitié Terminator, et pendant que j'essayais de
démêler tout ce fatras incompréhensible, les silhouettes
multicolores m'assenaient de sermons paternalistes et condescendants.
Je vous avoue j'avais les foies, imaginez-vous dans un univers
fluctuant où tout ce qui arrive arrive sans raison, où chaque
tentative de retourner à la source d'une action vous conduit dans un
néant sans fond ! J'avais le vertige des sens.
Erreur, mes braves ! Deux heures plus tard les mêmes mouises venaient toquer à ma porte, et j'eus le même mal à me débarrasser d'elles. Comme toujours, quand on croit s'être délivré d'un fléau un second surgit aussitôt. Par quelque hasard physiologique merdique, j'en étais réduit à passer toutes les heures ténébreuses dans l'attente d'un sommeil qui avait déserté et qui continuerait à se foutre de moi du haut des bras d'une catin.
Je suis déçue ... Du haut de ton Olympe, je te pensais au-dessus de ces contingences bassement matérielles.
RépondreSupprimerJe te souhaite quand même un bon rétablissement. J'ai souffert de cette odieuse maladie dont en effet il vaut mieux ne pas la nommer (c'est un peu comme Voldemort, hein), y a 2 ans et je m'en souviens encore ... et pas en bien.
Eh non, toute divinité étant à l'image de l'homme il est normal qu'elle ait les mêmes tracas. Soyez donc heureux de n'avoir pas eu de fléau à cause de ça !
RépondreSupprimerA un ou deux symptômes près, je dirais que t'es enceinte...
RépondreSupprimer@Pef : De jumeaux, alors.
RépondreSupprimer@ GiZeus : Moche sujet joliment écrit. Bravo.
PS : j'ai enfin réparé mon oubli : tu fais partie de ma liste de mecs et filles intéressants. Il était temps.
Merci Blop.
SupprimerPour ta décharge, on peut dire que le planet regorge de personnes intéressantes ;)
Décidément, tu as du style. Il faut le dire. Même si ta névrose coprophile, dont ta plume nous avoue impudiquement toutes les modalités, ternit quelque peu l'ensemble. Nous voulons de la hauteur !
RépondreSupprimerL'intérêt était d'ordre expérimental (en plus de faire autre chose que rester avachi à ne rien faire). Je voulais essayer de mixer lyrisme et grossier, et à cet instant j'en avais la force. Le résultat final s'éloigne de ce que j'espérais, mais bon je suis content d'avoir essayé.
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