jeudi 28 juillet 2011

World War Z - Max Brooks

Aujourd’hui sur Foudre Olympienne, nous allons parler biologie ; oui, vos yeux ne vont trompent pas, n’enfilez pas vos bésicles, on va bien causer sciences nat’. Mais de manière spéciale, pas comme vos vieux profs de lycée à la voix chevrotante : on va se la jouer à la Max Brooks, avec une bande de joyeux zombies pour foutre la pagaille, donc restez pour la suite !


Terre, XXIème siècle. L’humanité vient d’échapper à l’extinction ; l’arme atomique n’est pas en cause, non, pas cette fois. C’est un ennemi bien plus dangereux qui a failli la décimer : cet ennemi c’est Zack, le Zombie, cet être que l’on croyait bien enfermé dans les bouquins de science-fiction et de fantastique. Mais comme on l’a dit l’humanité a survécu. Dans la douleur, certes, puisqu’un milliard seulement d’êtres humains peuplent désormais la surface du globe. Mais Zack est vaincu, c’est bien ça l’important ; et le triomphe, la résistance de l’espèce humaine se doit d’être consignée quelque part. C’est l’entreprise de l’auteur, journaliste délégué auprès de l’ONU, qui parcourt le monde à la recherche de récits de cette guerre, rassemblés ici sous la forme de chroniques.
 
Ainsi le journaliste, dont le nom restera dans l’ombre, donnera la parole aux résistants, aux témoins, aux acteurs de cette Guerre des Zombies, se contentant de poser épisodiquement quelques questions. Ses rencontres l’amèneront à rencontrer toutes sortes de gens – loin d’être des parangons de vertu le plus souvent -, du Pérou au Mali en passant par Bagdad et Tokyo. Entre autres. Car Max Brooks semble avoir couvert le planisphère, exploré les moindres recoins, des plus évidents aux plus improbables, comme ces archipels de radeaux errant au gré des flots, accueillant à leurs bords des survivants émigrés.
 
Oui, Max Brooks a pensé à tout, ou du moins à beaucoup. L’exhaustivité est le premier mot qui me vient à l’esprit lorsqu’il s’agit de qualifier ce livre. J’ai bien été surpris de constater à quel point l’auteur avait creusé son sujet, introduit certains éléments qui de prime abord n’avaient aucun lien avec le sujet. Mais finalement Max Brooks remplit bien les pages, il écrit sans meubler. Mieux, les fondations sont étudiées avec soin : si l’on sait dès l’entame que l’humanité a vaincu, on revit dans l’ordre les événements passés, on suit l’évolution des événements depuis les premiers symptômes jusqu’au retournement de situation ; la gradation de la situation est décrite dans le détail. On assiste à la découverte des premiers cas, à l’aveuglement global de l’humanité, l’exode urbain massif, le regroupement organisé, le recouvrement d’un semblant de gouvernement, puis la résistance organisée massivement. Chaque chronique est l’occasion d’aborder un point précis de cette machinerie bien huilée, on sent tout au long des quelques 530 pages (version poche) la minutie apportée à ce monde dévasté.
 
Chaque chronique est aussi le vecteur d’une réflexion contemporaine. Prendre World War Z comme un simple divertissement est une grossière erreur, et malgré l’objectivité du journaliste c’est par par le truchement des témoins que viendra la critique. L’homme moderne est mis en cause, il est mis à nu sous la pression de l’horreur imminente ; son individualisme dicté par le capitalisme se révèle face aux zombies. Oh certes ce n’est pas le seul thème – heureusement -, les médias sont aussi mis en cause, de même que les services de renseignement, victimes également de l’aveuglement général (référence à la polémique du 11 Septembre?). L’armée est tout autant visée, sinon plus, montrée comme incapable, voire responsable de l’épidémie, mais réhabilitée faiblement au moment de la victoire finale grâce à l’expérience acquise. On sent tout de même un certain patriotisme là-dedans, la CIA étant montrée comme une simple organisation bien moins puissante qu’on la décrit, mais c’est surtout lors du discours du président américain qui sonnera le glas du retranchement humain. Une belle leçon dans ce discours, à laquelle j’adhère complètement et qui montre que l’auteur a cerné une problématique fondamentale, mais pourquoi diable les américains sont-ils toujours les héros de ce genre ? Y a-t-il réellement un « esprit américain » qui rend ce peuple outre-atlantique si combattif ? Ou n’est-ce qu’un cliché véhiculé par les films ? Certainement entre les deux, comme d’habitude.
 
Et Zack là-dedans ? Notre pote le zombie, ce trublion responsable des chambardements, que devient-il dans l’histoire ? Eh bien force est d’avouer qu’on n’en saura pas grand chose, ou du moins pas autant qu’on l’aurait souhaité. A ma grande surprise Zack s’est fait voler la vedette par nos amis humains, par leurs travers plus exactement, et ce choix se comprend quand on voit les thèmes développés par Max Brooks. Non je suis injuste, on en apprend pas mal sur Zack au final, enfin surtout sur ses incongruités. A l’inverse de Richard Matheson avec Je suis une légende, Brooks multiplie les mystères autour de sa créature, invoque régulièrement la science, mais ne tente jamais l’exercice casse-gueule d’explication fondamentale de cet état. Personnellement je n’y vois pas d’inconvénient, j’y vois au contraire une démarche intelligente. Cependant il manque à l’histoire une composante pour moi fondamentale : aucun cobaye zombie. Dans un monde capitaliste marqué par toutes sortes d’expérimentations, comment se fait-il qu’aucun scientifique ou toute autre personne sensée n’ait tentée de capturer un zombie pour réaliser quelque expérience dessus ? Voici pour moi la grande interrogation concernant ce livre, c’est peut-être la seule brique manquante.
 
Malgré tout World War Z ne me laissera pas un souvenir incandescent ; si je salue sans retenue l’aboutissement du concept, il aura manqué au livre une composante pour emporter ma totale adhésion. L’émotion. L’empathie. Ce sentiment d’intérêt envers les personnages côtoyés. C’est peut-être la structure même du livre qui veut ça, des chroniques traitant de personnages indépendants les uns des autres, mais voilà, la relative longueur de l’ouvrage mêlée à cette mosaïque écartelée d’acteurs lambdas n’aura pas su conserver intact mon intérêt. Ce qui ne m’empêche pas de vous le recommander, bien au contraire.
 

2 commentaires:

  1. Tiens je n'y avais pas pensé mais c'est vrai qu'un passage à la Day of the Dead avec le zombie "dressé" (ou un truc un peu moins tendre) aurait eu parfaitement sa place ici.
    Pour ma part j'ai trouvé que Brooks se concentrait un peu trop sur les USA et l'Asie (très peu de témoignages d'Afrique ou d'Europe par exemple), mais à par ce petit écueil j'avais beaucoup aimé.

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  2. Je pense que l'europe est délaissée parce que Brooks considère que les deux continents ont un mode de pensée similaire. Ou alors il nous a délibérément zappé.

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