vendredi 29 juillet 2011

Janua Vera - Jean-Philippe Jaworski

Qu'est donc Janua Vera? Rien dans l'introduction ou dans le développement ne semble élucider ce titre énigmatique, aux consonances harmonieuses. Nous opterons pour le nom secret du Vieux Royaume, que Jean-Philippe Jaworski, au travers des huit nouvelles proposées, tentera de nous initier. L'auteur, apparemment un grand fan de jeu de rôles puisqu'il est le créateur de deux JdR déjà (Te Deum pour un massacre, et Tiers Âge), réussit brillamment son coup. Bien qu'on soit dans un premier temps surpris par sa prose si délicate, on finit par accrocher aux histoires qui nous sont narrées avec tant de talent.


En effet, la plume de Jaworski est décidément exquise. Elle effleure le verbe, caresse le papier et stimule nos sens. Jaworski brode comme un maître tisserand, il emploie des fils d'or, d'argent et de multiples autres teintes exquises, qu'il s'amuse avec passion à coudre ensemble, pour former au final un motif majestueux. Et clairement, quand je dis qu'il brode, c'est à prendre également au figuré. Car sous les frusques étincelantes, se cache la plupart du temps une histoire peu haletante, qui sous la plume d'un autre eut souffert d'un développement moins harmonieux. Oui, les histoires ne sont pas toujours passionnantes. Ca traîne même en longueur. Mais ce rythme paresseux de l'auteur est voulu, il souhaite nous faire profiter de son style inimitable, décrivant avec un soucis du détail les environnements, les changements d'état, les micro-variations.
 
En revanche, dès que la scène s'anime et que les protagonistes passent à l'action, l'immersion enveloppe encore un peu plus le lecteur de son manteau brodé, et ainsi calé, bien au chaud, le spectateur ne peut que vivre l'action qui se déroule sous ses yeux. Moult détails et gestes anodins poussent le lecteur à plonger en apnée sous l'écriture délictueuse de Jarowski. Tout comme les paysages alentours, les faciès et comportements sont longuement étudiés et fidèlement rendus. Il faut reconnaître à l'auteur, en sus de sa narration exemplaire, une maîtrise très poussée du français et de termes désuets. C'est surtout à propos des vêtements que l'on notera une minutie époustouflante, de locutions peu parlantes, mais finalement si immersives.
 
Mais le lecteur que je suis déplorera par instants le manque de dialogues, qui auraient certainement dynamisé le récit. En effet, il y en a peu dans Janua Vera. Le style est éminemment rapporté, ce qui n'exclue pas une psychologie plutôt réussie des protagonistes. Mais le point de vue omniscient peut parfois lasser, et l'on souhaiterait alors plus de discours léchés comme il nous en est parfois servis. Car à l'instar du reste, les rares échanges sont très réussis. Mais j'ai parfois eu l'impression d'être en décalage avec les personnages et la narration. Par exemple, l'introspection omnisciente d'un barbare m'a donné une idée plutôt intelligente du guerrier, alors qu'il s'avère plutôt benêt, des dires du narrateur. A l'opposé, quand Jaworski raconte des batailles (celle de Kaellsbruck en particulier), on ne peut être que captivé par le réalisme de la situation. De même, lorsqu'il s'essaie brièvement à l'humour, il réussit avec brio à mixer histoire et malice
 
Cependant, il est dommageable que les nouvelles ne bénéficient pas d'une histoire plus attirante. Non pas qu'elles soient fades, mais si on extirpe les faits en eux-mêmes, les histoires n'ont rien d'exceptionnelles. Certaines comme celle de l'assassin sont vraiment réussies, et d'autres un peu moins, comme Le Conte de Suzelle, beaucoup plus prévisible. A ce titre, les deux nouvelles narrées à la première personne sont mes préférées, bien que Le Confident, dernière nouvelle du recueil, ne fasse qu'une trentaine de pages. Et il semble que Benvenuto, l'assassin que l'on rencontre dans Mauvaise Donne, la meilleure nouvelle selon moi, soit le protagoniste de la suite de ce très bon livre introductif du Vieil Empire. Au vu des critiques, il y a des chances pour que Gagner la guerre soit de meilleur niveau que Janua Vera, qui, rappelons-le, est le premier livre de Jean-Philippe Jaworski. Chapeau l'artiste pour ce premier essai, d'entrée transformé, surtout aux yeux d'un piètre admirateur de la Fantasy
 
Du très bon divertissement donc, et certainement un auteur qui me fera épisodiquement zieuter sur ce genre dont je ne suis pas le plus fervent défenseur.

3 commentaires:

  1. Ca fait un moment qu'il me fait de l'oeil celui là, je pense que je vais finir par craquer.

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  2. Si t'aimes la fantasy tu n'as aucune excuse ;)

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  3. Ben justement non, c'est pas trop ma tasse de thé en général. Mais j'aimerais bien redécouvrir le genre sous un autre angle, vu que je me suis arrêté aux resucées tolkieniennes barbantes.

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